De retour au bercail
Au bout de six jours, n’ayant réussi à prendre que le renard arctique, Ejaz était prêt à lever le camp.
« Je n’y croyais plus. Il n’y a pas de nuit, car le soleil ne se couche jamais, et rester tout le temps assis dans ma tente me rendait fou. Il faisait tellement froid; toutes les attaches et les poignées en plastique étaient devenues si fragiles qu’elles s’étaient cassées, de même les fermetures éclair de ma veste. Nous ne devions partir que le jour suivant, mais le septième jour, j’en ai eu assez. Des gars sont venus ici année après année sans voir aucun loup, alors qui étais-je pour penser que moi je réussirais? »
Il a donc plié bagage. « Lorsque je fais mes valises pour un voyage, je ne laisse pas les objectifs sur les appareils photo, et surtout pas cette fois-là avec les soubresauts de la motoneige. »
Une heure après le départ, Ejaz, qui était assis derrière Raymond et ne voyant rien devant lui, a senti la motoneige ralentir. « Je lui ai demandé : ‘‘Pourquoi est-ce qu’on ralentit?’’ Il n’a rien dit. Puis nous nous sommes arrêtés. Je ne voyais rien autour de lui, mais j’ai vu qu’il souriait. Sachant que lui arracher un sourire relevait de l’impossible, j’ai immédiatement compris : il avait vu les loups et, quand j’ai regardé à mon tour, je les ai aperçus au loin, marchant dans notre direction.
« Je ne sais pas comment j’ai réussi à assembler l’objectif sur l’appareil et à installer ce dernier sur le trépied si rapidement, mais l’appareil était prêt en 10 ou 15 secondes. »
Les loups se sont approchés de la motoneige. « Ils étaient peut-être à six mètres. J’ai pris des photos, puis ils nous ont dépassés. Entre temps, j’avais préparé le deuxième appareil et j’ai commencé à marcher vers eux, en les photographiant. Lorsque je n’étais plus qu’à trois mètres d’eux, les poils du mâle alpha se sont hérissés sur son échine tandis qu’il me fixait. C’était un avertissement : s’il te plaît, ne t’approche pas plus. Raymond a dit : « C’est lui ou toi.’ » Alors nous sommes partis. »
Raymond est un homme de peu de mots. Toutefois, Ejaz est quasiment sûr que de retour chez lui, il a raconté sa propre version de l’histoire : celle d’un fou débarquant tout droit de New York, souhaitant explorer le Nord à la recherche des loups arctiques afin de les photographier, et qui, contre toute attente, y était parvenu.