Une seule prise de vue : aucune sortie
Comment une simple modification peut modifier l’impression que donne une photo
Qu’est-ce qui rend une photo particulièrement mémorable?
C’est peut-être lié à votre histoire personnelle, la capture précise de la personnalité d’un sujet, ou bien un lien nostalgique à un endroit et une heure.
Ou peut-être que la raison est quelque chose de totalement inattendu.
En tant qu’écrivain pour la section Learn & Explore du site Nikon, je vois beaucoup de photos que j’estime mémorables, mais celle-ci, prise pendant la saison de tempête de neige dans le Nord-Est par Bill Durrence, formateur à l’École Nikon, comprend sa propre histoire mémorable.
Quand il voyage, Bill aime envoyer une image et un bref courriel quotidien à une liste d’amis et de collègues. Il appelle ces communications des « cartes postales », et lorsque celle-ci arrive, j’appelle Diane Berkenfeld, rédactrice en chef de L&E.
« Avez-vous reçu un courriel de Bill? » lui demandais-je. « Les ombres sur la photo de neige? »
« Superbe cliché », dit-elle.
« C’est un photographe formidable », dis-je. « Que diriez-vous de faire une histoire avec lui? »
Quelques mois plus tard, Diane et moi sommes au téléphone, en train de regarder les planches contact des photos de Bill sur nos écrans et de choisir des images pour l’histoire. Nous mettons de côté les premières sélections quand Diane dit : « Il ne faut pas oublier l’image des ombres sur la neige ».
Nous revenons donc aux contacts et la cherchons parmi un groupe de photos semblables. Nous savons qu’elle est là – nous avions expressément demandé à Bill de l’envoyer – mais nous ne l’avons pas immédiatement trouvée. Diane dit alors : « Elle est là, numéro ‘0021 Final’ ». Et elle a raison, elle est là ... mais pourquoi ne me saute-t-elle pas aux yeux comme elle l’a fait quand j’ai vu la carte postale? « Pourquoi ne m'enchante-t'elle pas autant? » lui demandais-je. « C’est la même prise que celle que nous avons vue. »
Mais en la regardant, je me rends compte que ce n’est pas exactement la même et tandis que je commence à dire : « Pourrait-ce...? » Diane dit : « C’est la bordure ».
« Oui, vous avez raison », dis-je, « mais comment une bordure peut-elle faire une telle différence? »
« Découvrons ce que Bill peut nous dire », ajoute Diane. Regardons s’il y a une histoire « Une seule prise de vue » ici. »
Voici ce que Bill peut dire à ce sujet : « C’est une question pratique. Chaque fois que l’on a des tons lumineux à côté du bord du cadre les tons fuient en dehors de l’image. Votre regard est attiré par la luminosité, et dans une photo comme celle-ci, avec autant de neige le long des bords, il est aisé d’errer en quelque sorte dans l’image et en dehors de celle-ci, particulièrement avec les ombres et les lignes de neige qui attirent votre regard en avant et en arrière. La bordure vous enferme à l’intérieur, elle vous retient dans l’image. Votre réaction vis-à-vis de l’image illustre ce point pratique : sans la bordure, vous n’étiez pas enfermés, la photo ne vous saisissait pas de la même façon. »
Alors que Bill met des bordures autour des photos avec des tons clairs sur les bords, leur ajout est devenu une touche de style qu’il applique à toutes ses images de présentation.
Il existe de plus une autre explication pour mettre une bordure », ajoute Bill. « C’est plus philosophique et peut sembler bizarre, mais la nature d’une photographie c’est d’être un instant figé. Il y a un moment avant et un moment après, et il y a tous les éléments qui sont en dehors du cadre. Quand j’enseigne, je parle beaucoup de la façon dont le photographe est responsable de tout ce qui compose une image, et le cadre vous permet de gérer ces informations. Vous devez décider de ce que les gens savent et de ce qu’ils ne savent pas. C’est ainsi que vous limitez ou élargissez les informations présentes dans la scène. Mettre cette bordure noire est ma façon de dire que même s’il y a plus, c’est ce que je veux que vous voyiez. »
Bill a pris la photo sur le campus de Regis College à Weston, Massachusetts. « Je vis à Savannah », dit-il, « où on ne voit jamais la neige. Dans mes voyages pour l’École Nikon je me trouve dans des endroits où il y a de la neige, mais la plupart du temps quand je suis là-bas c’est boueux, sale ou plein de traces mais sans possibilités photographiques. Donc, dès qu’il a terminé la première partie de la journée à l’école, il s’est habillé jusqu’au cou et est sorti prendre des photos.
Dans ce cadre, il a saisi tout ce qui l’attirait : la forme de la neige vierge, le relief, la présence de la lumière et des ombres. « Ce sont les motifs de hautes lumières douces et d’ombre de la neige qui donnent une impression de dimensionnalité », dit-il.
Tout cela rend une photo mémorable... tandis qu’une fine ligne noire y contribue encore davantage.
Caractéristiques techniques : D5300, AF-S DX NIKKOR 18-140mm f/3.5-5.6G ED VR, 1/640 secondes, f/8, ISO 100, priorité à l’ouverture, mesure matricielle.