Photographier et assembler des éclipses lunaires et solaires
Photographier le ciel nocturne en soi est déjà un exercice fascinant, mais chaque année, certains événements célestes rendent cette pratique encore plus intéressante. Parmi eux, on peut citer les éclipses lunaires et solaires. Une éclipse solaire a lieu lorsque la Lune est parfaitement alignée avec la Terre et le soleil, masquant celui-ci pendant quelques minutes, alors que notre planète est dans l’ombre de son satellite. Il y a en moyenne deux à quatre éclipses solaires par an, mais il y a de fortes chances que vous deviez vous rendre dans un autre pays (voire un autre continent) pour photographier cet événement. Il y a au moins deux éclipses lunaires par an, et certaines années, on peut en avoir jusqu’à cinq. Une éclipse lunaire survient lorsque la Lune passe directement derrière la Terre, dans l’ombre de notre planète, ce qui lui donne une teinte rouge vif. Cet événement ne peut survenir que lors d’une pleine lune. Ces deux événements sont très intéressants à photographier, et avec un peu de préparation, vous pouvez réellement laisser votre créativité s’exprimer.
Étant un oiseau de nuit, j’ai eu la chance de pouvoir immortaliser quatre éclipses lunaires et une éclipse solaire totale. Même si j’aime beaucoup faire une « vraie » photo, pour des occasions pareilles, j’admets que je m’amuse à faire des assemblages. D’ailleurs, que vous choisissiez de faire une seule photo ou de créer un assemblage, je vous recommande vivement d’être transparent à ce sujet.
Bien se préparer
Ce serait trop simple si l’on pouvait juste sortir et dire : « Bonjour, belle éclipse! » Mais soyons honnêtes, ça ne va pas se passer comme ça. Alors, comment bien se préparer à photographier une éclipse? En somme, ce n’est pas si compliqué que ça. J’utilise l’application PhotoPills pour récolter un maximum d’informations sur l’éclipse : date, heure, lieu, bande de totalité, type d’éclipse, angle dans le ciel, etc.
J’aime bien m’amuser à créer des assemblages créatifs, en ajoutant l’éclipse à une autre image qui sert de premier plan. On peut alors mettre l’éclipse à un endroit « intéressant » du cadre, et l’agrandir pour créer un meilleur effet visuel. À ce stade, vous vous demandez probablement pourquoi on aurait besoin de toutes ces informations si on finit par tout changer en postproduction? En fait, même en modifiant la position et l’échelle des différents éléments, je dois tout de même avoir une idée des phases que je peux capturer, et je dois savoir quand et où m’installer. Si une partie de l’éclipse se déroule sous la ligne d’horizon, je dois prendre cette information en compte, car je ne pourrai pas photographier l’intégralité de l’événement. Pour m'aider à prévoir la météo le jour J, je dois aussi savoir où le transit commence et se termine.
À la recherche du premier plan
En astrophotographie, l’un des éléments déterminants d’une image est un premier plan visuellement intéressant, qui permet de raconter une histoire. Pour moi, on peut prendre une photo du ciel n’importe où ou presque, mais il est essentiel de trouver un élément (naturel ou non) qui crée un lien entre notre planète et le ciel. Comme premier plan, on peut utiliser un paysage allant d’un champ de fleurs aux silhouettes des immeubles d’une ville, ou encore un bâtiment historique abandonné. Lorsque vous serez à la recherche de ce premier plan, faites en sorte de garder un équilibre entre le ciel et votre élément. Il ne doit pas voler la vedette, mais mettre votre photo en valeur. L’éclipse et le premier plan doivent être complémentaires.
Pour trouver des sujets intéressants pour un premier plan, je garde toujours les yeux grand ouverts quand je suis au volant. On peut aussi utiliser Google Earth pour trouver des choses intéressantes. Quand je me prépare pour une éclipse, je passe des heures à éplucher les photos satellites kilomètre après kilomètre pour voir si je peux trouver des formes intéressantes qui ressemblent à des bâtiments abandonnés, à des champs, à des montagnes, etc.
Une fois que vous avez une vague idée de l’endroit où vous ferez vos photos, je vous conseille d’aller sur les réseaux sociaux et de trouver des gens qui vivent là-bas. Je demande toujours aux habitants s’ils ont des conseils ou des informations sur les sujets que j’ai à l’esprit. Par exemple, s’ils connaissent quelqu’un qui a une vieille grange ou un véhicule abandonné sur son terrain. Ensuite, j’essaie de récupérer un maximum d’informations sur l’endroit en question et la façon de m'y rendre, puis je me rends sur place. Une fois que j’ai trouvé mon premier plan, j’utilise PhotoPills pour voir si la trajectoire de l’éclipse aura un angle intéressant pour mon sujet. Autant que faire se peut, j’essaie d’aligner les assemblages, ou en tout cas, j’essaie de viser dans la bonne direction.
La pluie et le beau temps
Quoi que vous fassiez, gardez à l’esprit que la météo n’en fera qu’à sa tête. Les photographes de paysage ont une relation conflictuelle avec les nuages. Souvent, on veut avoir de beaux nuages cotonneux ici et là sur un coucher de soleil, mais si l’on veut photographier la Voie lactée ou, par exemple, une éclipse lunaire, on a juste envie qu’ils aillent jouer ailleurs. Mais vu qu’il est impossible de contrôler les éléments, lorsque vous allez photographier une éclipse, je vous conseille d’avoir un plan A, un plan B et un plan C. Pourquoi ça? Votre « belle photo », celle que vous voulez vraiment prendre, est votre plan A. Mais si le temps est nuageux le jour J, pensez toujours à un endroit de réserve. J’ai toujours environ 80 kilomètres entre mon plan A et mon plan B. Mais la météo peut changer vite et fort sur une distance aussi courte. Mon plan C est généralement de me contenter d’une seule photo en plan rapproché de l’éclipse, si les nuages le permettent.
Quelques conseils pour prévoir la météo
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Commencez à vérifier les prévisions météo pour le lieu que vous avez choisi environ 48 ou 72 heures avant l’éclipse.
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Utilisez une source fiable pour vos prévisions. Si vous êtes aux États-Unis, je vous conseille d’utiliser le site du National Weather Service (http://forecast.weather.gov).
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Le jour de l’éclipse, vérifiez la vue satellite, qui montre la couverture nuageuse en temps réel. Si vous regardez cette vue en continu, vous pouvez voir dans quelle direction vont les nuages, et à quelle vitesse ils se déplacent.
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Ne vous laissez pas décourager par un ciel qui serait un peu nuageux. Le bon côté des nuages, c’est qu’ils sont toujours en mouvement. Donc à moins que le ciel ne soit complètement obstrué par des nuages, un ciel partiellement couvert vous offrira suffisamment d'occasions de photographier l’éclipse entre deux passages nuageux. J’ai dû fonctionner de cette manière pour deux des éclipses que j’ai photographiées.
Immortaliser les phases de la Lune
Vous êtes maintenant prêt à vous lancer! Vous avez repéré l’endroit parfait pour photographier l’éclipse, trouvé un premier plan époustouflant, et grâce à vos prières, le ciel est dégagé. Il n’y a plus qu’à faire vos photos, mais comment s’y prendre? Pour les assemblages où vous voulez montrer toutes les phases de l’éclipse, ce n’est qu’une question de patience et de téléobjectif. Il faut être prêt à photographier avant même le début de l’éclipse.
Pour mes propres photos, j’utilise le Nikon D850 avec un objectif NIKKOR 200-500mm f/5.6E ED VR qui offre maximum de détails sur la surface de la lune. Généralement, je prends mes photos au 500 mm, puis je les recadre en enlevant environ 50 % en postproduction. Le D850 offre une résolution suffisante pour un tel recadrage. Pour chacune des phases, je prends des photos pendant environ 10 minutes, ce qui me laisse beaucoup de clichés parmi lesquels je peux choisir. De plus, il est important de photographier la lune en utilisant un trépied, en désactivant la réduction de vibration et en se servant d’une télécommande (filaire ou sans fil) pour déclencher en réduisant la vibration de l’appareil photo.
Notez également que selon le type d’éclipse, vous n’utiliserez pas les mêmes réglages.
Éclipse solaire :
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Ne regardez jamais directement dans le viseur lorsque votre appareil photo est pointé vers le soleil. Vous pouvez subir de sévères lésions oculaires. Une paire de lunettes certifiée et adaptée aux éclipses est un accessoire indispensable dans ce cas.
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Vous devez également protéger le capteur de votre appareil photo à tout prix. Sans filtre solaire sur l’objectif, le soleil peut faire un trou dans votre capteur. Imaginez que votre téléobjectif est une gigantesque loupe, et que votre capteur est une fourmi. Pour mon objectif Nikon 200-500 mm, j’utilise un filtre pour éclipse solaire Firecrest de Formatt Hitech.
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Vous devez utiliser votre filtre pendant les quelques minutes avant l’éclipse complète. À ce moment, il faut retirer le filtre pour photographier les grains de Baily, aussi appelé effet diamant, et la phase totale. Une fois que la phase d’éclipse totale est terminée, remettez votre filtre pour continuer à photographier le reste du transit.
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Les réglages à appliquer à votre appareil sont assez simples et ne changent pas jusqu’à quelques minutes avant et après la phase totale.
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Pour les phases de transit, je suis généralement à ISO 200, f/10, 1/250 s. Normalement, je reste à ISO 100 quand je suis sur trépied, mais ici je suis à 200 pour compenser la perte de lumière due au filtre solaire.
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Au moment de prendre des photos sans le filtre, je me mets à ISO 200, f/8, 1/15 s. Ce temps d’exposition plus long permet de capturer la couronne de lumière.
Éclipse lunaire :
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Même si vous allez prendre vos photos au beau milieu de la nuit, ce ne sont pas forcément des réglages de photo nocturne que vous allez utiliser pour une éclipse lunaire.
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Les éclipses lunaires ne peuvent avoir lieu que pendant une pleine lune, et la lumière est relativement forte dans cette situation. Si vous utilisez des paramètres classiques avec une sensibilité élevée et une exposition longue, comme c’est le cas en photographie de nuit, vos images seront surexposées. En règle générale, pour photographier la pleine lune, j’utilise ces réglages : ISO 200, f/7.1, 1/500 seconde.
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Là encore, je prends ces photos avec mon objectif 200-500mm monté sur trépied, je désactive donc la réduction de vibration et j’utilise une télécommande filaire ou sans fil pour déclencher l’obturateur.
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Lorsque la lune passe en phase d’éclipse totale, vous devez modifier vos réglages. La lumière de la lune se fera plus faible, vous devrez donc les ajuster.
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Le plus souvent, j’augmente l’ISO, j’ouvre mon diaphragme et je rallonge mon temps d’exposition. Pour ma part, je préfère être à ISO 1250, f/5.6 et 1/2 seconde. Si je rallonge ce temps d’exposition, je risque d’avoir une lune floue.
Photographier le premier plan
Vous avez fait un long travail préparatoire pour trouver le premier plan idéal de votre photo. Maintenant, il faut le photographier pour s’en servir lors de votre assemblage! Le meilleur moment pour prendre votre photo est lorsque l’éclipse lunaire est totale, il faudra donc agir vite : rapidement prendre la phase totale au téléobjectif, puis passer au grand-angle pour le premier plan. Il est nécessaire de prendre ces photos ensemble, car dans le cas contraire, la lune dégagera trop de lumière. Vous aurez donc des ombres sur votre photo qui ne correspondront pas à la position de la lune sur vos images finales.
Il est également préférable de choisir une sensibilité plus élevée, d’ouvrir le diaphragme et de prendre un temps d’exposition plus court, autrement vous risquez d’avoir de longues traînées d’étoiles dans le ciel. Pour éviter cet effet, je vous conseille de choisir vos réglages en suivant la « règle des 500 ». De cette manière, vous aurez des étoiles bien nettes, et je trouve que ça donne un air beaucoup plus réaliste à la scène.
La règle des 500, c’est une règle qui permet, si on la suit, d’éviter de créer des traînées d’étoiles en astrophotographie. Sur des temps d’exposition longs, on peut avoir une traînée qui empêche d’avoir des étoiles qui forment un seul point dans le ciel. Le principe est simple : vous prenez le chiffre 500, et vous le divisez par la distance focale que vous utilisez pour votre photo. Le résultat (en règle générale, j’arrondis à l’inférieur) est le nombre de secondes à partir duquel vous commencerez à voir apparaître un effet de filé. Par exemple, si vous utilisez une distance focale de 18 mm, il faut prendre 500 et diviser ce chiffre par 18. On obtient 27,7, que l’on arrondit à l’inférieur, donc 27. Par conséquent, pour avoir des étoiles bien nettes dans le ciel, il ne faudra pas exposer plus de 27 secondes. Comme je l’expliquais plus haut, j’utilise la règle des 500 pour avoir de belles étoiles sans filé, mais il y a d’autres facteurs à prendre en compte pour obtenir l’effet désiré : à quelle distance on regarde la photo, la taille du tirage, etc.
Pour ce qui est de l’objectif, j’utilise mon AF-S NIKKOR 14-24mm f/2.8G ED, et je reste à 14 mm. De cette façon, j’ai bien assez d’espace (sans mauvais jeu de mots) pour placer mon éclipse lunaire dans le cadre. Je conseille toujours de prendre plus large que nécessaire, on peut toujours recadrer au besoin. Remarque : n’hésitez pas à donner une touche de couleur à votre photo en éclairant l’intérieur de votre premier plan, si possible avec une couleur qui contraste avec le ciel nocturne.
Faire son assemblage
Enfin, toutes les pièces du casse-tête sont réunies et vous pouvez commencer à créer votre photo finale. J’utilise Adobe Lightroom et Photoshop. Vous pouvez utiliser le logiciel de votre choix, tant qu’il vous permet de manipuler des calques.
Le processus est similaire, quel que soit le type d’éclipse.
J’importe toutes les images dont j’ai besoin dans Lightroom, puis je retouche le premier plan pour obtenir l’ambiance que je recherche pour la photo finale. En faisant cette étape en premier, je sais à l’avance si je veux que l’éclipse soit plutôt claire ou plutôt sombre. Une fois que je suis satisfait du premier plan, je commence à travailler sur la photo de l’éclipse totale. J’essaie de faire en sorte que la lumière de cette photo corresponde à celle du premier plan. Ensuite, je retouche une des images du transit de l’éclipse, et une fois satisfais, j’applique les mêmes paramètres à toutes les autres photos du transit. La plupart du temps, je modifie l’équilibrage des blancs, l’exposition, les zones claires et la clarté. Je retire également les aberrations chromatiques. Une fois que toutes les images ont été retouchées, je les sélectionne et je les ouvre en tant que calques dans Photoshop.
C’est le moment de laisser libre cours à votre créativité! Votre premier plan sert de base à votre assemblage, et vous devez construire votre photo finale sur cette base. J’organise l’ordre de mes calques de façon à avoir la première phase de l’éclipse tout en bas, et la dernière phase tout en haut. Une fois que tout est prêt, je masque tous les calques, sauf la première phase et le premier plan. Pour ajouter mon éclipse dans la scène, j’utilise deux techniques. Pour une éclipse parfaitement ronde, j’utilise l’outil de sélection circulaire pour l’isoler de l’arrière-plan. Dans les autres cas, j’utilise les modes de fusion « Superposition » ou « Éclaircir ». Ensuite, j’utilise l’outil de transformation pour réduire l’éclipse à la taille voulue, et je la place sur mon assemblage. Je répète ces étapes pour toutes les photos de l’éclipse. En résumé, c’est de cette façon que je crée mes assemblages!
Préparez-vous, prenez votre temps, soyez créatif et faites preuve de transparence envers votre public!