L’astrophotographie de paysage avec le Nikon D810A
Les meilleures performances ISO pour viser les étoiles
Combinez les compétences d’un photographe de paysages, d’un imprimeur d’art, d’un ingénieur en logiciels et d’un promeneur de la nuit. Les résultats seront assurément intéressants. Nous vous présentons ainsi Adam Woodworth, un photographe ayant plus de 17 ans d’expérience.
M. Woodworth capture des photos du meilleur de la nature une fois la nuit tombée, et les fait étinceler grâce à la technologie. Équipé d’un Nikon D810A de préproduction, un reflex numérique optimisé pour l’astrophotographie, il se met en route. Parmi ses nombreux objectifs, le photographe souhaitait découvrir comment le filtre optique spécial de l’appareil photo pouvait accentuer la reproduction des rouges vifs sur les images de nébuleuses qui émettent une lumière H alpha, mais il voulait surtout tester les performances ISO incroyables de l’appareil alliées à son capteur de 36,3 millions de pixels. Pour nous faire part des résultats, il partage ici ses observations sur le Nikon D810A et la photographie de nuit.
Les rudiments de l’exposition en astrophotographie
L’astrophotographie ne se résume pas à de la photographie de nuit. C’est une question de points, donc de trouver des points lumineux minuscules dans le ciel, et de pouvoir créer des photos comportant un minimum de traînées d’étoiles, voire aucune. Quelques bases en astrophotographie sont donc à connaître. Pour commencer, vous ne pouvez pas utiliser une ouverture de f/11 pour avoir la profondeur de champ souhaitée tout en utilisant de longues expositions : vous obtiendrez des traînées d’étoiles en raison de la rotation de la Terre (parfois, de longues traînées d’étoiles sont justement l’effet escompté, mais pas dans le cas présent). De plus, si vous vous trouvez dans des lieux sombres, vous n’avez que très peu de lumière ambiante pour éclairer le premier plan.
Pour capturer la lumière des étoiles, vous devez utiliser des valeurs ISO élevées, en général ISO 3200 ou plus, ou un nombre f lumineux de 2.8 ou mieux, et une durée d’exposition de 30 secondes ou moins avec un objectif de 14mm. Vous pouvez utiliser des valeurs ISO moins élevées ou réduire les temps d’exposition dans des zones à grande pollution lumineuse, ou lorsque vous faites des prises de vue d’une brillante aurore boréale la nuit. Cependant, dans l’obscurité, il vaut mieux commencer par les réglages indiqués précédemment.
Pour diminuer les traînées d’étoiles, la règle générale est de suivre « la règle du 500 », qui suggère de prendre une longueur focale (si vous utilisez un capteur au format APS, servez-vous de son équivalent de 35 mm) et de la diviser par 500 pour obtenir le maximum de temps d’exposition. D’après mon expérience, cette règle donne lieu à des expositions trop longues qui causent des traînées visibles. Pour ma part, j’utilise une longueur de 14 mm et une durée d’exposition de 25 secondes. J’obtiens aussi une image assez lumineuse et un minimum de traînées d’étoiles.
À la recherche de sa bonne étoile
Pour créer ses points lumineux, vous pouvez utiliser un suiveur stellaire. Cet instrument permet le réglage à une valeur ISO faible et des durées d’exposition prolongées. Cependant, je trouve que monter l’appareil photo sur un suiveur stellaire complique la composition de prises de vue de paysages. Aussi, vous devez aligner le suiveur stellaire sur Polaris, l’étoile Polaire (ou Sigma Octantis dans l’hémisphère Sud), alors que vous n’avez pas toujours la possibilité de la voir à partir du lieu où vous composez un cliché. Pour un maximum de flexibilité (et un minimum de temps de mise en place de mon équipement), je ne me sers pas d’un suiveur stellaire pour effectuer mes prises de vue du paysage.
Une méthode plus complexe de photographier les points lumineux et le faible bruit dans le ciel est de superposer plusieurs photos. Cette technique consiste à prendre plusieurs photos du ciel dont la valeur ISO est très élevée pendant un temps d’exposition assez court pour éliminer les traînées d’étoiles. Résultat, le bruit dans les expositions sera accru, mais en utilisant un logiciel pour superposer, aligner et égaliser les expositions, vous obtiendrez des points lumineux et un bruit très faible.
Je me sers de cette méthode pour produire toutes mes images de la Voie lactée qui ne sont pas des panoramas. En général, je crée mes panoramas à l’aide d’un objectif dont la longueur focale est de 14 mm. Je monte mon appareil photo verticalement sur mon trépied muni d’un rail de point nodal fixé à une tête de mise à niveau. Pour prendre l’image à partir de la plage Boulder Beach (ci-dessous), j’ai fait pivoter l’appareil photo de 30 degrés entre chaque prise et défini une durée d’exposition de 25 secondes à une ISO de 12800. J’ai pris un total de huit expositions pour photographier le ciel.
Après avoir balayé le ciel de la droite vers gauche pour produire mes images du ciel, j’ai créé un avant-plan en utilisant les mêmes incréments de 30 degrés : chaque exposition était de 120 secondes, à f/4, à une ISO de 12800 et l’objectif était toujours réglé sur infini. J’ai choisi f/4 en raison de la profondeur de champ accrue qu’il offrait. Et les résultats furent très satisfaisants, car les rochers tout près s’affichaient avec une précision accrue. Une autre méthode aurait été de réduire l’ISO, peut-être à 3200. La netteté de l’avant-plan aurait été meilleure, sans le compromis qu'une exposition beaucoup plus longue, soit de 480 secondes (huit minutes) par prise, aurait nécessité. C’est-à-dire que la durée totale d’exposition pour photographier le premier plan serait de huit minutes, multipliées par huit expositions; ce qui donne 64 minutes. Doublez ce temps si vous utilisez la fonction réduction du bruit en exposition longue intégrée.
L’astrophotographie dans l’obscurité de la nuit : gros plan sur le premier plan
J’ai encore quelques commentaires par rapport à la prise de photo du premier plan. Étant donné que votre exposition est à f/2.8, et qu’en général la valeur de l’ISO est à 3200 ou plus, votre premier plan sera probablement sombre, aura du bruit et ne sera pas net. Même si la lumière ambiante est assez abondante pour éclairer un premier plan éloigné pour effectuer des prises de vue à une mise au point acceptable de f/2.8, il y a fort à parier que ce dernier aura du bruit. Bien que vous puissiez avoir à sacrifier le bruit (donc, réduire l’ISO) pour capturer les étoiles, vous n’avez pas à le faire en qui concerne votre premier plan. Prenez des clichés de ce dernier à différentes expositions à l’aide de divers réglages de la distance de mise au point et de l’exposition, y compris de diminuer l’ISO. Ensuite, au moyen d’un logiciel, fusionnez les expositions de votre premier plan et celles du ciel pour créer une image homogène, dont le premier plan est focalisé, a un bruit faible et comporte des points lumineux.
Lorsque possible, j’ai l’habitude de régler l’ISO à 1600 ou moins, et mes temps d’exposition peuvent varier de 2 à 20 minutes, ou plus, selon la quantité de la lumière ambiante. Si la lumière ambiante est suffisante, je peux m’arrêter à f/5.6 ou plus et effectuer une meilleure mise au point sur mon premier plan en une seule prise de vue. Dans le cas contraire, je dois faire plusieurs expositions à f/2.8 à différentes distances de mise au point.
Cependant, lorsque j’effectue des prises de vue de panoramas, je choisis souvent de garder le bruit à une ISO élevée en ce qui concerne le premier plan (lisez la description de la prise de vue du panorama de Boulder Beach pour comprendre pourquoi). Si vous vous servez du Nikon D810A, vous n’avez aucune raison d’avoir peur d’une ISO élevée. Les performances supérieures d’une sensibilité ISO élevée de cet appareil photo sont un grand avantage pour les astrophotographes de paysages. Et la réduction du bruit dans votre éditeur de photos au format RAW vous sera fort utile.
Une autre excellente fonction du Nikon D810A est le nouveau mode manuel M* qui permet au photographe d’effectuer des prises de vue à des temps d’exposition supérieurs à 30 secondes sans télécommande. Les options de temps sont de 60, 120, 240, 300, 600 et de 900 secondes. Ces durées préréglées sont utiles pour accumuler des clichés du premier plan à de longues expositions sans utiliser de télécommande. Pour mon travail cependant, je préfère quand même utiliser un déclencheur à distance et le verrouillage du miroir, ou le mode de décalage d’expositions.
Cette photo (ci-dessus) est le résultat de 12 expositions : dix clichés du ciel et deux du premier plan à différentes distances de mise au point. Je règle toujours une exposition du premier plan sur infini pour que l’horizon soit focalisé. Chaque exposition du ciel a été prise à une ISO de 12800 pendant 10 secondes. Les expositions du premier plan ont été prises à une ISO de 1600, à 15 minutes pour chacune d’elles et à l’aide de différents points de mire. J’ai utilisé un Nikon D810A de préproduction, et un AF-S NIKKOR 14-24mm f/2.8G ED. Quant au logiciel, je me suis servi de Starry Landscape Stacker.
Attention, surface glissante
Au départ, je souhaitais cadrer la photo une fois la marée bien plus haute, lorsque les roches recouvertes d’algues vertes n’auraient plus été visibles. J’aurais donc pu la photographier en étant plus près du rivage, où les mêmes types de roches étaient visibles, mais sans les couches d’algues. J’ai décidé d’inclure les roches quand même pour rester près de l’eau : j’aimais bien ce que le vert donnait finalement.
Mon plus grand défi cette nuit-là pendant que je prenais des photos près des roches était de les savoir bien glissantes. Imaginez-vous en train d’essayer de parcourir dans l’obscurité une surface composée de roches avec un sac à dos rempli d’équipement photo cher, ajoutez le fait qu’elle est glissante, que vous cherchez à réaliser la meilleure composition tout en maintenant votre équilibre au mieux tout au long des expositions, et que vous vous débrouillez en plus pour ne pas tomber sur un trépied. Je suis resté à cet endroit à peu près 40 minutes cette nuit-là, ce qui n’est pas très long par rapport au temps que je passe habituellement à réaliser des clichés des astres, mais c’était assez de temps passé dans ces conditions.
« Boulder Beach » (photo ci-dessus) est un mélange de 13 expositions : dix clichés du ciel et trois expositions du premier plan à différentes distances de mise au point. Les expositions du ciel ont été faites à une ISO de 12800 pendant 10 secondes chacune, puis superposées et combinées à l’aide du logiciel Starry Landscape Stacker. Les expositions du premier plan ont été prises à une ISO de 6400, à cinq minutes pour chacune d’elles et à l’aide de différents points de mire. Normalement, j’aurais utilisé une ISO plus faible pour ce premier plan, mais je souhaitais tester les performances ISO élevées du Nikon D810A. J’ai encore utilisé l’AF-S NIKKOR 14-24mm f/2.8G ED.
Je détermine habituellement sur quoi je ferai ma mise au point par rapport aux images du premier plan en prenant un premier cliché sur le réglage infini, puis en effectuant un zoom avant sur la photo à l’aide de l’écran ACL sur l’appareil photo. Je vérifie ensuite où la profondeur de champ se situera. Je règle à nouveau ma mise au point en direction de là où je prendrai mon nouveau cliché, et je l’examine ensuite pour déterminer si une profondeur de champ accrue est nécessaire. Avec de l’expérience, vous allez savoir à peu près ce qui rentre dans le cadre sur infini et combien d’expositions sont nécessaires pour effectuer une composition donnée.
Quelques réflexions au sujet de la préparation
Avant de me rendre à un emplacement, j’effectue le plus prévisualisation et de travail possibles. J’utilise des outils comme Google Maps, des images de la zone trouvées en ligne, en plus de compter sur mon expérience personnelle si j’ai déjà été à l’endroit en question dans le passé. L’application PhotoPills pour iPhone et iPad est l’outil de planification le plus utile que j’ai téléchargé (PlanIt! est une application aux fonctions similaires offerte pour les appareils iOS et Android). Cette application me permet de voir l’angle et l’emplacement de la Voie lactée par rapport à n’importe quel emplacement sur une carte en 2D, tout comme vous utiliseriez une carte en 2D pour connaître l’emplacement du soleil ou de la lune. Si je n’obtiens pas assez de détails à propos de l’emplacement, ou si les angles ne sont pas faciles à déterminer sur la carte, je veille à prendre l’azimut de la Voie lactée en note pour le moment où elle sera visible de nuit, et où elle se trouvera avant les premières lueurs du jour; je me servirai ensuite de ma boussole une fois au bon endroit pour vérifier les angles.
L’astrophotographie de paysages nécessite une grande planification, de la patience et parfois des moufles, mais les résultats en valent la peine. N’oubliez pas de prendre le temps d’admirer le ciel nocturne lorsque vous ne regardez pas à travers votre appareil photo. Capturez l’émotion de l’expérience, pas uniquement les photons émis par les étoiles.
Six conseils et astuces
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La mise au point dans l’obscurité : Pour effectuer une mise au point sur les étoiles, réglez le Nikon D810A sur le mode visée écran et cherchez les étoiles sur votre écran ACL. Pivotez votre bague de mise au point près d’infini pour rendre les étoiles visibles (si l’objectif est trop défocalisé, les étoiles seront trop floues pour apparaître en mode visée écran). Une fois que vous avez repéré une étoile, effectuez un zoom avant à l’aide la visée écran et réglez manuellement la mise au point jusqu’à ce que l’étoile soit aussi petite et précise que possible. Pour effectuer la mise au point sur le premier plan, utilisez le mode visée écran de la même façon, mais vous pourriez avoir besoin d’une lampe de poche pour éclairer le premier plan.
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L’alignement de l’appareil : Le Nikon D810A a le même niveau d’horizon virtuel sur l’écran ACL arrière que les autres appareils photo Nikon, mais ce modèle possède une couleur rouge pour préserver la vision de nuit. Activez l’horizon virtuel pour régler le trépied ou la tête afin d’obtenir un équilibre horizontal.
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Télécommande et intervallomètre : Pour réaliser de longues expositions du premier plan (plus de 30 secondes), vous avez normalement besoin d’utiliser une télécommande-minuteur et de régler l’appareil photo sur le mode d’exposition prolongée. Le Nikon D810A est doté d’un nouveau mode manuel M* qui vous permet de sélectionner les temps d’exposition de plus de 30 secondes. Les préréglages comprennent 60, 90, 120, 240, 300, 600 et 900 secondes. Si vous superposez plusieurs photos, utilisez l’intervallomètre intégré de l’appareil pour prendre au moins 10 expositions du ciel sans utiliser de télécommande. Si vous activez le mode de déclenchement à retardement et que vous appuyez doucement sur le bouton de l’obturateur, vous pouvez vous débrouiller sans une télécommande pour déclencher l’obturateur. Nikon, au cœur de l’image.
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Réduction du bruit en exposition longue : L’un des malheurs des photographes de nuit est le pixel chaud. Les expositions prolongées à sensibilité ISO élevée ont tendance à produire des pixels chauds qui ressemblent à des points vifs de couleurs rouge, bleue, verte, blanche, etc. Vous pouvez presque tous les éliminer si vous activez la réduction du bruit en exposition longue. L'appareil photo prendra une deuxième exposition aux mêmes réglages (avec l’obturateur fermé), ce qui donnera un « cadre sombre » qui aura les mêmes pixels chauds, ou du moins des similaires, que dans l’exposition initiale. L’appareil photo utilise ensuite le cadre sombre pour montrer les pixels chauds dans les données RAW. Vous n’avez pas le temps d’attendre la réduction du bruit en exposition longue? La nouvelle fonction de réduction du bruit Astro du Nikon Capture NX-D supprimera considérablement la quantité de pixels chauds.
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Peinture à la lumière : Vous pouvez faire de la peinture à la lumière sur votre premier plan afin d’éviter de réaliser de longues expositions de ce dernier. Cependant, les ombres seront disgracieuses et les reflets spéculaires chauds sur l’eau, les roches humides, etc. Je préfère utiliser la lumière ambiante naturelle autant que possible.
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Les effets de l’infrarouge : Le Nikon D810A n’est pas très sensible à tout le spectre infrarouge, mais la lumière infrarouge peut quand même engendrer des changements de couleur. Les photos prises de jours deviendront souvent rouges. La nuit, les éléments que vous verrez généralement comme étant de la pollution urbaine légère orange auront souvent un éclat jaune pâle. Les phares peuvent également causer des dominantes de couleurs. Lorsque vous photographiez le phare de West Quoddy Head, qui émet une lumière blanche, une légère dominante rouge apparaîtra dans l’éclat autour du phare. Cet éclat a été corrigé relativement facilement grâce à un logiciel.